Perfégal – L’expertise au service de l’égalité femmes-hommes 

Le congé menstruel : que faut-il en penser ?

En février 2023, l’Espagne a voté la mise en place d’un congé menstruel pour les femmes souffrant de règles douloureuses. Cette innovation sociétale constitue en Europe une nouvelle étape dans la transformation du travail sous l’effet de la prise en compte du genre. En France, cela a donné lieu à un débat public sur la santé des femmes au travail.

Le cabinet Perfégal accompagne depuis près de 20 ans les entreprises privées et publiques à intégrer l’égalité entre les femmes et les hommes. Que penser du congé menstruel : est-ce une mesure d’égalité professionnelle ou une fausse bonne idée qui pourrait se retourner contre les femmes ?

Le congé menstruel existe déjà en France dans quelques PME et collectivités. Les formes en sont variées. Il peut s’agir d’un congé ou d’un aménagement des conditions de travail (en distanciel par exemple), avec ou sans justificatif médical, avec ou sans préavis de la part de la salariée, avec ou sans prélèvement de salaire, un ou deux jours par mois, parfois moins… Le groupe de distribution Carrefour a été le premier grand groupe à communiquer sur le sujet, en annonçant en avril 2023 la possibilité pour les femmes souffrant d’endométriose de bénéficier jusqu’à 12 jours d’absence médicale, sur présentation d’un document attestant la situation de handicap.

A la suite de l’adoption de la loi espagnole, des élus français, femmes et hommes, se sont emparés de la question. Des débats ont eu lieu au Sénat sur l’opportunité de mettre en place dans notre pays un congé menstruel pour règles douloureuses, et une proposition de loi a été soumise à l’Assemblée nationale.

Lever le tabou des règles

Ces débats sont bénéfiques. En levant le tabou des règles, ils contribuent à faire circuler la culture de l’égalité femmes-hommes. Notamment en entreprise, où il est primordial de chausser les lunettes du genre lorsqu’on aborde la problématique de la santé au travail. Ils favorisent aussi une connaissance plus largement partagée sur l’endométriose. Cette maladie gynécologique chronique, longtemps ignorée, est aujourd’hui encore mal connue et mal diagnostiquée. Pourtant elle touche une femme sur 10 en âge de procréer, soit environ 2 à 2,5 millions de femmes. Ses symptômes (parmi lesquels des règles douloureuses) sont invalidants, et son impact est important sur la vie professionnelle des femmes qui en souffrent.

En janvier 2022, le gouvernement a mis en place une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose. Cela participe de la prise de conscience collective. Mais il faudrait aller plus loin. Dans son rapport en juin 2023, la Délégation aux droits des femmes du Sénat préconise d’ajouter cette pathologie à la liste des affections de longue durée. C’est une idée qui va dans le bon sens. Cela permettrait de supprimer le délai de carence, et donc les retenues financières associées.

Le congé menstruel : effets pervers ?

Pour autant, si le congé menstruel part d’une intention louable, il n’est pas dépourvu de risques. La mise en place de nouveaux droits qui différencient hommes et femmes pourrait, paradoxalement, se retourner contre ces dernières, en les entravant dans l’accès à l’égalité professionnelle. Ce congé a un coût pour l’employeur. Recrutement, égalité des salaires, avancement de carrière, accès aux postes à responsabilité : quelles seront ses conséquences pour la carrière des femmes et comment éviter le risque de discrimination ?

Parmi les mesures préconisées par les entreprises, on voit aussi apparaître le développement du télétravail comme solution en cas de congé menstruel. Ce qui ne manque pas de poser question : au nom de l’égalité, ne s’agirait-il pas en réalité de renvoyer les femmes chez elles, et de reléguer à la sphère de l’intime et du privé ce qui doit au contraire être traité au niveau collectif et législatif.

Enfin, il n’est pas interdit de craindre un effet d’aubaine autour du congé menstruel. D’où l’importance de veiller à ce que sa mise en place ne relève pas du simple « féminisme washing » : se donner à peu de frais l’apparence d’une entreprise ou une collectivité soucieuse de féminisme et de l’égalité femmes-hommes, alors que les causes et les manifestations des inégalités ne sont pas traitées.

Une meilleure prise en compte de la santé sexuelle et reproductive au travail

Pour Isabelle Gueguen, co-dirigeante de Perfégal, la priorité serait de réfléchir aux conditions de travail des personnes souffrant de règles douloureuses, pour faire de l’entreprise un univers réellement inclusif. Cela peut consister par exemple à ouvrir des salles de repos, et à assouplir l’aménagement du temps de travail, en facilitant les moments de pause pour se ressourcer. De telles mesures, qui participent de la Qualité de Vie au Travail, seraient d’ailleurs profitables aussi bien aux hommes qu’aux femmes.

Mais pour piloter les transformations de la manière la plus appropriée, encore faut-il sortir de l’invisibilité les répercussions qu’a le travail sur la santé des femmes, notamment leur santé sexuelle et reproductive. Un gros effort reste à fournir sur la collecte de données genrées et sur leur traitement : quelle répartition par sexe des arrêts maladie, des accidents du travail, des accidents de trajet, de l’exposition aux risques psycho-sociaux, du suivi par les services de prévention et santé au travail, etc. ? Cela doit se faire à tous les niveaux : l’entreprise, les branches, les organismes nationaux comme la CNAM, la CARSAT, la DARES, l’INRS. Le chantier est à mener, et il est encore devant nous.

Pour aller plus loin, vous pouvez lire l’interview d’Isabelle Gueguen auprès de BFMTV

Cet article a été rédigé par Sandrine Caroff-Urfer

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