L’Union européenne a lancé le programme Direcct (Digital Response Connecting Citizens) pour accompagner les secteurs de l’éducation, de la santé et les petites entreprises à adopter des pratiques numériques, afin de limiter l’impact des crises. Dans ce programme conduit par l’Agence Française de Développement et ENABEL, l’agence de coopération belge, l’intégration des questions de genre est un objectif prioritaire.
Depuis février, le cabinet Perfégal aide ainsi des porteurs de projets numériques à prendre en compte l’égalité femmes-hommes dans leurs actions.
C’est un projet novateur. Le programme Direcct intègre certes les questions d’égalité femmes-hommes dans le secteur du numérique, mais prend surtout en compte le genre dès la conception des projets. En effet, le cabinet Perfegal a accompagné 14 porteurs de projets en les formant et en élaborant avec eux un plan d’action genre.
“ Il s’agit d’une démarche exemplaire. Nous avons pu guider les partenaires dès le début, à des moments clés de leur projet, sur de l’opérationnel. Nous avons ainsi pu intégrer dans les études de besoin la production de données sexuées. Ainsi, des évaluations du besoin notamment au regard du genre ont pu être réalisées ”, précise Isabelle Gueguen, co-dirigeante de la SCOP Perfégal, spécialisée en égalité femmes-hommes. Nous avons même pu intervenir sur les termes de références (TDR)”, indique-t-elle. Ainsi, pour un projet de soutien aux petites entreprises, il est prévu que le diagnostic réponde notamment aux questions suivantes : y a-t-il un accès équivalent aux outils numériques pour les femmes et les hommes entrepreneur.e.s et salarié.e.s dans les entreprises du panel ? Si ce n’est pas le cas, quelles sont les causes identifiées ? Ou encore : y a-t-il l’expression d’une appréhension ou d’une résistance à l’utilisation des outils numériques plus forte chez les femmes ? Si oui quelles sont les raisons les plus évoquées ou les craintes sous-jacentes ?
S’approprier les outils du numérique
Cette prise en compte en amont de l’égalité femmes-hommes est en effet nécessaire, en particulier dans le secteur du numérique.
“ Nous constatons des inégalités d’adoption d’usage, d’accès aux équipements, ou encore de pouvoir dans le pilotage de cette transition numérique. Le plus souvent les hommes sont les premiers à se saisir des outils numériques, du téléphone, du web, des applications, pour provoquer des opportunités professionnelles, étendre son réseau, accéder à des informations. Pour Direcct, nous nous sommes donnés l’objectif d’analyser et réduire cette fracture numérique dans chacun des projets”, rappelle Gwenael Prié, responsable du Programme Direcct au sein la Division numérique de l’AFD.
Chaque porteur de projets numériques, répartis sur une vingtaine de pays, dispose donc désormais d’un plan d’action précis, adapté à la situation réelle dans laquelle il intervient. “ Ce travail est nécessaire. Il y a une multitude de bénéficiaires concernés par les questions de genre. Oxfam par exemple s’adresse à des groupements d’intérêts économiques (GIE) essentiellement composés de femmes. Les GIE s’intègrent dans un ensemble social et évidemment la question du genre y est principale. Au-delà du principe d’égalité, il y a la question de l’efficacité. Les femmes doivent être en mesure de s’approprier les outils qui leur sont donnés, et doivent pouvoir être responsables de leurs activités”, explique Eric Mounier, responsable de la communication et de la capitalisation pour le programme Direcct.
La place des femmes dans les Fablab
Aujourd’hui, les questions d’égalité femmes-hommes sont une préoccupation majeure par les trois bailleurs impliqués dans ce programme. “Certains projets étaient déjà tout à fait convaincus de cette nécessité et d’autres n’y avaient pas forcément pensé ou ne savaient pas trop comment s’y prendre. Finalement, tout le monde s’y est mis.”, indique Gwenael Prié, de l’AFD.
Une des actions du programme consistera en un webinaire sur la place des femmes dans les Fablabs* en mars 2023. Ce séminaire en ligne est organisé par Perfégal, avec le réseau Bretagne Solidaire et le réseau des Fablab ouest-africains et français. L’objectif du projet financé par le programme Direcct est d’aider les Fablab à créer des prototypes de masques et de respirateurs, via des imprimantes 3D, en recyclant des plastiques usés. “ Avec l’approche genre, nous avons questionné l’accès des femmes aux Fablab, l’accès des femmes aux activités proposées activités et la place des femmes dans la filière de tri et de valorisation des plastiques qui sont une matière première pour les imprimantes 3D”, précise Isabelle Gueguen, de Perfégal. Dans les Fablabs il y a en effet peu de femmes. “ Cela peut être lié aux stéréotypes de sexe, car la communication est souvent axée sur la fabrication, la production de prototypes. Cela peut être faiblement attractif pour des femmes. Dans certains pays, il y a aussi des freins culturels car les animateurs des Fablabs sont souvent des hommes”, rappelle Isabelle Gueguen. Le webinaire permettra justement d’échanger sur les moyens de lever les obstacles à une plus grande participation des femmes.
* Un Fablab est un atelier mettant à la disposition du public des outils de fabrication d’objets assistée par ordinateur.
Vous pouvez aller voir ici pour en savoir plus sur le programme Direcct.
Article rédigé par Aurélie Fontaine