La profusion d’études sur la question de l’égalité femmes/hommes et des stéréotypes dans les derniers mois montre au moins une chose : l’intérêt porté par le gouvernement à la question de l’égalité entre les femmes et les hommes. Un rapport sur les stéréotypes filles-garçons a été remis à la Ministre aux Droits des Femmes, Madame Najat Vallaud-Belkacem le 15 janvier dernier. Plusieurs médias[1] ont fait écho à ce dossier coordonné par Marie-Cécile Naves et Vanessa Wisnia-Weill, chargées de mission au Commissariat général à la stratégie et à la prospective. Adélaïde AMELOT, Docteure en Science politique et consultante à Perfégal vous propose ses propres clés de lecture.
Si le rapport n’apporte pas d’éléments très nouveaux pour les personnes déjà sensibilisées et/ou formées sur la question de l’égalité femmes/hommes et des stéréotypes, l’approche est intéressante :
Des stéréotypes qui enferment les hommes comme les femmes.
De manière originale, la question des stéréotypes filles/garçons n’est ici pas traitée uniquement du point de vue des filles. Les garçons sont eux-aussi présentés comme victimes de ces stéréotypes. Ils le sont dans le rapport à la santé mais également à l’éducation et à l’orientation scolaire et professionnelle. Cette étude souligne notamment la sous-détection des maltraitances, particulièrement chez les garçons.
Alors que la question du lien entre genre et santé est le plus souvent analysée par le biais des violences faites aux femmes ou la santé reproductive (contraception,…), ce rapport souligne que la question du genre et de la santé doit être appréhendée de manière plus large. Elle met en effet le doigt sur le fait que notre rapport au corps est différent selon que l’on est une fille ou un garçon. Les injonctions comportementales, la socialisation, l’environnement (via les médias notamment) ont des effets sur notre rapport au corps et impriment différemment nos pratiques : elles ont tendance à mettre en avant la fragilité féminine mais la force et la résistance masculine. Or ces représentations ont des incidences sur les filles et les garçons. Celles de la valeur importante accordée à la minceur pour les filles, à la masse musculaire pour les garçons doivent nous conduire à être attentifs aux troubles alimentaires chez les filles mais aussi chez les garçons –publics moins souvent perçu comme devant être objet d’attention.
Pour une valorisation de la place des hommes dans les sphères dîtes féminines
Concernant la socialisation durant la petite enfance et l’enfance, l’étude réaffirme des éléments déjà largement éprouvés et diffusés dans d’autres rapports ou études (Cf. rapport de Brigitte Grésy). De façon moins commune, elle souligne l’importance d’impliquer davantage les pères dans les fonctions parentales mais également le défi qu’il y a à la masculinisation des métiers du care (métiers de la petite enfance et de l’éducation). L’idée est en effet d’offrir une image renouvelée de la répartition des tâches et des rôles selon le sexe. Il s’agit d’élargir le champ des possibles des filles et des garçons quant à leur orientation scolaire puis professionnelle afin de conduire à une réelle égalité entre femmes et hommes.
Accorder une valeur technique à des compétences pensées comme « naturelles »
Autre idée intéressante, celle de la valorisation plus grande des métiers très féminisés du soin et du service à la personne : l’une des caractéristiques de la sous-évaluation des métiers féminin est de leur attribuer une compétence naturelle et non acquise. Dans le prolongement de cette idée, la préconisation de la valorisation par l’institution scolaire de compétences transversales, comme l’investissement dans la vie associative, le travail en équipe, la capacité à s’exprimer en public, à prendre des responsabilités, permettrait de leur affecter une valeur réelle. L’objectif : en finir avec l’idée qu’il s’agit là de qualités détenues de manière innée. Mais par ailleurs, sachant que les filles, du fait de leur socialisation, sont davantage conduites à développer ce type de capacité (dialogue, coopération, attention portée à autrui, organisation), il s’agirait par-là d’accroître leur estime d’elles-mêmes. Enfin, en dé-sexuant ces compétences, il s’agirait de permettre aux garçons de les acquérir tout autant.
Cela rejoint le travail de Marie Becker, Séverine Lemière et Rachel Silvera sur une évaluation non discriminante des emplois à prédominance féminine (voir ci-dessous).
Des stéréotypes filles/garçons plus marqués dans les classes populaires ?
Enfin, même si l’on peut jeter un regard critique sur ce dernier point, le rapport souligne l’existence de stéréotypes plus prégnants dans les milieux populaires. Ce lien est établi à partir du constat d’une moindre mixité de l’orientation scolaire et professionnelle des classes populaires mais également de la moindre importance des pratiques sportives et culturelles des filles issues de ces milieux. Sans remettre en question les constats établis, il semble toutefois que le lien posé entre moindre mixité et force plus importante des stéréotypes dans les classes populaires est contestable.
Le raccourci est en effet un peu rapide et le trait un peu trop appuyé ! A contrario, cela signifierait donc que les classes sociales plus privilégiées seraient moins marquées que les autres par la force des stéréotypes filles/garçons. On est en droit d’en douter, car même dans les écoles d’ingénieurs (où l’on accède assez peu via l’enseignement professionnel et technique) la proportion de filles est moindre (malgré son augmentation). Les étudiants sont tout aussi marqués par des représentations stéréotypées quant à la féminité et à la masculinité. Certaines publications étudiantes dans les écoles d’ingénieurs le montrent de manière nette. Par ailleurs, il n’a pas été démontré que les classes sociales privilégiées s’orientent professionnellement davantage que les couches populaires vers des métiers non typiquement masculins ou féminins.
Bref ! Critique mise à part, ce rapport dans ses recommandations offre des bonnes idées aux décideurs qui sont à l’origine des politiques publiques impactant les citoyens, femmes et hommes dans l’ensemble de ces domaines. Certaines de ses préconisations sont d’ores et déjà mises en œuvre par des collectivités locales que Perfégal a pu accompagner dans la construction de leur plan d’action Egalité femmes/hommes.
[1] voir article de l’Express, du Nouvel Observateur,…
pour aller plus loin :
Communication de Catherine Giard, psychologue scolaire, « différenciation sexuée à l’école : une approche en psychologie scolaire des problématiques liées au genre. » via le site télédebout.org
Défenseur des droits, un salaire égal pour un travail de valeur égale : guide pour une évaluation non discriminante des emplois à prédominance féminine rédaction coordonné par : Marie Becker, Séverine Lemière et Rachel Silvera, 2013.
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