Plusieurs initiatives en zone rurale témoignent de l’importance d’un accompagnement personnalisé centré sur l’estime de soi pour les femmes éloignées de l’emploi. Illustration à travers des accompagnements proposés dans l’Allier …
Un joli foulard, du rouge-à-lèvres discret, des boucles d’oreilles… Les femmes bénéficiaires du CIDFF[1] de l’Allier se sont apprêtées pour nous recevoir, et l’on voit que le travail mené par Hélyette Poyet, conseillère emploi-formation, porte ses fruits. « Nous travaillons l’image de soi à partir de la colorimétrie, détaille-t-elle. Cela leur permet d’avoir leur palette de couleur et de savoir comment s’habiller et se mettre en valeur. C’est important, à la fois sur le plan personnel et pour un entretien d’embauche. »
La confiance en soi est l’un des axes principaux du dispositif Ariane qui propose un accompagnement personnalisé aux femmes éloignées de l’emploi dans les territoires ruraux. Ce dispositif est financé notamment par la Région Auvergne Rhône Alpes, la Caf et le Conseil Départemental de l’Allier,
Une vie dédiée aux autres
« Je travaille surtout sur moi, sur ce que je suis capable de faire, partage l’une d’entre elles. J’ai eu ma première fille très tôt, à 16 ans, et je me suis très vite isolée. Dès qu’on a des enfants, on s’enferme dans une bulle, enfants-ménage-cuisine et on a rien d’autre ». Marie-France[2], elle, n’a pas eu d’enfant, « mais je ne me suis occupée des autres toute ma vie ». A 58 ans et avec une vie de petits boulots non déclarés dans le secteur du care derrière elle, elle apprend aujourd’hui comme Sandra à « éviter de culpabiliser à chaque fois que je fais quelque chose pour moi ».
Idem pour Carole, mère célibataire de trois enfants en charge de sa mère malade, pour qui les ateliers du CIDFF représentent « un temps obligatoire, imposé par quelqu’un d’autre, où je ne peux pas être dérangée ». Le but : sortir de l’isolement, renforcé par la précarité qui les « étiquette comme cas social » d’après les mots de l’une d’elles.
Se remémorer ses compétences
« Beaucoup s’oublient », résume Hélyette Poyet. Outre un travail sur l’articulation des temps de vie et la répartition des tâches domestiques et parentales au sein du foyer, la conseillère propose un bilan personnel et professionnel, et notamment une première activité de collage issue de la méthode québécoise d’orientation professionnelle ADVP (Activation du Développement Vocationnel et Professionnel). Les femmes découpent ainsi dans des magazines des images représentant la façon dont elles se perçoivent et ce à quoi elles aspirent, et les collages sont ensuite interprétés par le groupe.
« Cela permet de réfléchir à ses expériences professionnelles et personnelles passées et de se remémorer ses compétences, ses valeurs, les conditions dans lesquelles on aimerait travailler. Ce n’est pas toujours facile d’évoquer ses difficultés, cela peut être douloureux, mais c’est un mal pour un bien », assure avec bienveillance la conseillère.
Confiance en soi et en autrui
Reconstruire l’estime de soi est aussi l’objectif des Ateliers de mobilisation personnelle[3] et animés notamment par Béatrice Radian, conseillère au sein de l’Association pour le développement économique dans le bassin de Montmarault (A.D.E.M). Lucie, l’une des bénéficiaires, affirme être devenue « plus positive grâce à ça », tandis qu’une autre jeune femme témoigne avoir « appris à arrêter de se dévaloriser » et qu’une troisième explique avoir « retrouvé une vie sociale ».
Toutes les trois sont parvenues à définir leur projet professionnel et ont trouvé un poste ou une formation à l’issue de l’accompagnement. Comme au CIDFF, celui-ci est individualisé mais ponctué de temps collectifs qui permettent de réapprendre également à faire confiance aux autres, un point primordial dans le milieu rural où la socialisation n’est pas évidente, d’autant quand on vient d’ailleurs.
Regonflées, des femmes accompagnées ont même fait ensemble un mini-journal le temps d’un atelier. Une expérience qui n’est pas sans rappeler une autre initiative de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Odette and Co. Ce collectif de femmes vivant à la campagne a en effet travaillé selon une autre méthode québécoise, l’approche appréciative, pour fonder son propre journal. Cela leur a permis d’identifier leurs compétences et de s’assurer de leur capacité à les mettre en œuvre pour créer leur propre emploi. Un bel exemple de premier pas vers l’entreprenariat au féminin.
Article de Anaïs GIROUX, étudiante en Master d’études de Genre, stagiaire à Perfégal avec la collaboration d’Isabelle GUEGUEN, co-dirigeante de Perfégal
[1] Centre d’Information aux Droits de Femmes et de la Famille
[2] Les prénoms ont été changés
[3] financés par le Département de l’Allier et la Région ARA